Sim et Océanne

Pourquoi se fatiguait-elle à lui parler alors que le vieux loup solitaire n'en faisait qu'à sa tête. Telle était leur relation depuis qu'Océanne avait décidé d'aider Sim à se sortir de son addiction. La jeune femme n'avait rien d'une mère Thérésa. Le tribunal lui avait attribué son alcoolique comme travail d'intérêt général. Sa passion pour le graffiti lui avait déjà couté 15000 euros et trois arrestations par la police. Il était hors de question d'aller en prison. Aussi, l'association Bois Fleury lui offrait le moyen de rester libre. Désormais chaque samedi après-midi était consacré à Gérard Simus, ancien gérant de la buvette Au Carrefour. Cette situation durait depuis le mois de septembre. Ce 29 février, la jeune femme s'était réveillée avec un mal de tête affreux. La d****e froide ne suffit pas. La tension au niveau du front et de la nuque avait fait son chemin. Elle arrive dans le hall de l'association pour rejoindre son camarade.

-Tu pues de la gueule Sim. Va raser cette barbe de dix jours au lieu de me bassiner avec tes idioties.

-Qu'est-ce que tu as mangé hier soir?

-Tu ne les as pas ramenés avec toi tout de même! Les flingues, dis? Faudrait-pas qu'on se fasse pincer. Déjà que tu te trimbales sans arrêt avec tes barrettes de s**t pour te rouler des joints n'importe où et n'importe quand.

-Qu'est-ce que tu as bu hier soir?

-Tu n'as pas répondu à ma question, Sim.

Elle savait pertinemment que cela allait durer des heures. La nausée pointait son nez. Ce même temps, elle devait le consacrer à ce pauvre type qui ne prenait même plus la peine de changer ses sous-vêtements avant la consultation mensuelle chez le médecin.

-Ecoute Sim, fais comme bon te semble.

-Ca t'arrive souvent ces douleurs?

-L'essentiel pour moi: que tu ne touches pas une goutte de ton putain de rosé.

-J'ai remarqué: tu portes tes lunettes de soleil.

-T'occupes-pas, je tolère moins bien la lumière dans ces moments-là. Arrête de faire ça! Qui aide qui?

Adèle ferme le couvercle de son ordinateur portable. Qu'est-ce qu'Océanne pouvait bien répondre à ce vieux briscard? Quel intérêt de raconter la progression du mal de tête de cette petite? Elle n'a peut-être qu'une seule envie: arroser de couleurs les murs dégueulasses du studio de Sim? Pourquoi les avoir fait se rencontrer? Tu écris ce qui te viens à l'esprit. Pour autant cette sensation de manque, il lui faudra l'exprimer soit dans la bouche acide de la volontaire soit dans celle privée de Colgate de l'alcoolique. C'est ton histoire. Qui viendra te chercher Adèle? Elle se demande si Gérard est apte à aller au bout de sa cure? La police ne pourra jamais t'arrêter pour les mots que tu lui feras dire? Adèle ouvre doucement le laptop bleu. Tu peux même le faire replonger. Word lui propose une récupération de son travail. En quelques secondes, elle revoit le visage de ses deux personnages inventés le matin même.

-Océanne et Sim? Vous êtes toujours là?

-Salut Adèle! Heureusement que Word t'as permis de nous retrouver. La petite commençait à tourner  en rond dans l'appartement.

-Tu appelles cela un appartement? Heureusement que vous êtes revenue. J'ai failli finir l'année avec ce tordu. Libérez-moi, Adèle.

-C'est prévu. Les bombes de couleurs sont dans ma tête.

- Adèle. Par pitié!

-Tu m'abandonnes pour satisfaire la gamine.

-Non, Gérard. Seulement, votre dépendance ne s'évaporera sans doute pas en quelques mois. Océanne a besoin de s'exprimer elle aussi.

-Tu vois, Sim. Tu n'es pas le personnage principal, je te l'avais dit. C'est moi! C'est moi! J'en étais certaine. Adèle! Donnez-moi les bombes de peinture! Je vous en conjure.

-Du calme! De toute manière, vous ne décidez de rien. J'écris ce que je veux.