Fleurt avec le silence

PROLOGUE

La veille du départ, aucun des deux ne connaissait le prénom de l'autre. L'énergie était revenue. Circulaire, elle les maintenait à flôt jusqu'à la nouvelle vague.

Elle a tenu longtemps, très longtemps avant de décider qu'elle arrêterait de parler. Elle avait mal à la tête du matin au soir. Elle ne supportait plus les plaintes des gens. Longtemps, elle avait réussi à maintenir le filtre social qui lui permettait de garder la force pour développer sa vie personnelle. Un jour, l'énergie fit défaut. Définitivement. Elle s'écroula au milieu du centre commercial dans les bras de la vendeuse qui lui tendait ses deux sacs de courses pleins de légumes. Trop souvent, elle aurait eu besoin de gros bras pour porter ses cartons, ses packs de lait ou ses canettes de Coca Zéro. Elle savait se débrouiller. Toujours, elle trouvait une solution. Ses parents ne s'étaient jamais inquiétés pour elle.

Lui n'avait jamais montré un signe de fatigue au travail. Il arrivait le premier et ne repartait qu'après le départ de tous ses salariés. Il nettoyait lui-même le sol pour être sûr de repartir sur une feuille vierge le lendemain. Malgré le manque de motivation de certains employés,il ne laissait jamais transparaître le moindre doute. Un lundi soir, il repartit en laissant des feuilles de salades au sol. La caissière finit par attrapper la pelle et la balayette en voyant les déchets s'amonceler parterre. Il ne retourna plus jamais au supermarché. Trop souvent, il avait senti tout cet amour en lui et personne avec qui le partager. Il trouvait des solutions pour partager cet appetit de la vie. Il aidait les autres et gravissait fièrement les échelons de sa société. Ses collègues avait réussi à lui faire gagner le concours du meilleur gérant de la région.

Dès le début, elle a su qu'en souriant, elle lui avait plu. Elle avait posé ses affaires parterre et très vite observé son corps. Elle tentait de comprendre si en dessous de sa blouse, il portait une polaire pour se protéger du froid. Elle imagina dès le départ son corps nu et  comment il faisait l'amour. Elle ne lui avait jamais parlé mais avait senti la douceur de ses mains quand ils échangèrent les badges pour les vestiaires. Elle restait souvent tourné vers sa direction pendant les temps activités athlétiques. Elle n'a pas eu besoin de mesurer la dilatation de ses paupières pour comprendre. Elle savait. Elle l'a imaginé porter son pack de bouteilles d'Evian. Cette seule pensée produisit une caresse sur ses muscles contractés.

En la voyant entrer en souriant, il saisit quelque chose. Il ne comprenait pas ce qui allait se produire. Il a vite deviné les courbes de ses seins et le poids qu'ils prendraient dans ses mains. Dans la minute qui suivit leur premier regard, il imagina le moment où elle le laisserait entrer chez elle. Derrière sa porte. Sur son canapé. Dans sa chambre, dan son lit. Plus tard, il se questionna sur son âge et son activité professionnelle.

Chaque jour de la cure, le rituel se répétait. Jamais un mot ne filtrait et pourtant ils inventèrent un nouveau langage. Pour dire bonjour, ils se souraient avec les yeux. Le  ça va ?  s'était transformé en un index qui touchait le nez. L'affirmative par un sourire et la négative par un doigt sur les lèvres. Si le regain d'énergie baissait pendant la journée, ils se rassuraient par un frôlement sur l'épaule. Les jours passaient dans la cure de silence. Les deux stagiaires revigorés envisageaient à nouveau le quotidien avec espoir. Le jour trois, le bonsoir se transforma en hug prolongé. Le jour quatre, elle répliqua par une bise dans le coup.

EPILOGUE

Quand il se présenta, elle éclata de rire. Depuis cinq jours, elle avait imaginé tous les prénoms possibles et imaginables jusqu'à lui donner celui de Whatever. Peu importe, ils avaient discuté des heures sans jamais prononcer un seul mot. Cela lui suffisait.