La reine du dimancheA Story by HayetPROLOGUE Comme chaque dimanche, elle se levait et traversait le salon les yeux baissés honteuse d'avoir quitté son lit si tard. La veille, elle avait travaillé sur son baccalauréat, aidé son père à faire les courses et fait les devoirs avec sa petite soeur. Réveillée depuis sept heures par les pleurs de son petit frère d'un mois, elle venait de passer quatre heures à inventer des tonnes d'histoires dans sa tête. Le locataire du dessus vient de changer sa moquette contre un parquet. Les craquements ont démarré depuis six heures du matin et pourtant les deux musiciens dorment à points fermés, leur pass pour le Jazz Fest encore au poignet.
Elle est réveillée par une main sur sa cuisse. La caresse la fait sortir des ses ronflements. Un héritage de sa mère qui en avait fait fuir plus d'un. Posée comme une cuillère depuis la nuit dernière. Depuis, quelques secondes la main s'active à conquérir doucement le réveil d'Elizabeth. Il était encore trop tôt pour une veilleuse comme elle. Elle entend encore les notes de saxophone de la veille. -Qui nous a raccompagnés en voiture?
Ils n'entendent plus rien. Ils ne voient plus rien.
Enfin debout, elle descend dans le salon attirée par l'odeur du café. Il verse l'eau chaude dans les deux tasses en porcelaine. Elle prend une cuillère de Ricoré et la saupoudre sur l'eau encore frétillante. Les clapotis lui arrache une pensée. -Est-ce qu'à l'intérieur de la matière cela ne cesse jamais, ne meure jamais?
Il sent une main sur sa cuisse. Elle s'aventure vers les contrées pelucheuses jusqu'à se qu'il penche sa nuque vers l'arrière. Elle sourit de le voir perdre le contrôle. Elle défait le pantalon Zara acheté aux soldes de mi-saison. Le râle qui suit apaise aussi sa propre nervosité. Il s'endorment à nouveau sur le sofa avant que sur son téléphone portable arrive le message de la voisine. Elle leur propose de signer la pétition en ligne pour annuler la construction du nouveau centre commercial dans la rue. -Le bruit te dérange, toi?
Ils sont devenus aveugles. Ils sont devenus sourds.
EPILOGUE Alors qu'elle atteignait presque la porte de la salle de bain, elle attendait la phrase habituelle de son père. Amusée à chaque fois, elle démarrait son dernier jour de la semaine avec cette caresse dans le coeur. Ah, la Reine d'Angleterre s'est enfin levée!
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Added on October 24, 2015 Last Updated on August 2, 2016 AuthorHayetFranceAbout"Fleurt avec le réel" is a collection of 36 texts written in french. Fragments are independant from each other. Can be read in any order. "Fleurt avec le réel" est un recueil de 36 te.. more..Writing
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