C'est beau la vie

PROLOGUE

A son arrivée en sixième, Gaétan s'est retrouvé le plus petit de sa classe. Refusé d'avance par son collège de secteur pour avoir tenté de fabriquer une bombe artisanale au C.M.1, il atterrit au collège Paul Eluard à une heure de chez lui. Tu mesures un mètre vingt et tu te prends pour un caïd... lui a rétorqué Mathilde Trussard, son professeur de français alors qu'il refusait de se ranger en rang d'oignons devant la salle 210. Pour le punir de son comportement à l'école élémentaire, ses parents lui avait refusé un abonnement Badgeo. Alors, l'adolescent marchait tous les jours: une heure aller et une heure retour tandis que novembre de brume approchait à grand pas.

Ce mardi, le prolongement de l'arrêt maladie de son professeur de mathématiques le fait quitter le collège à 15 heures. La dopamine aidant et les Nike aux pieds, le petit bonhomme prend confiance au bout d'une demi-heure de marche. Il calcule dans sa tête: Dorand est encore absent demain: je commence à 10. Les parents rentrent pas du magasin avant dix heures : je peux squatter à Rive Etoile. Si la p'tite soeur me colle: je lui file des Haribo.

Dans le centre commercial, il cherche Marco devant le Mc Do. Il ne retrouve que la bande de Michael.

-Ils ont que ça a faire ces nuls. Je te dit que je t'attends devant, mec.

-Mais rentre qu'est-ce tu t'en ...

-T'es dingue, ils sont cinq.

-Branleur d' la Balastière.

-Wesh.

-Mais comment tu parles, c'est à Eluard que t'as appris ça?

-Collège de cassoss!

Gaétan passe devant la librairie de la Presqu'île dont la vitrine pleines d'araignées, de ballons en latex orange, de bougeoirs château hanté et de citrouilles lumineuses fait grimacer le garçon.

-Je passes ma vie à t'attendre, mec.

-Bouffe un truc Gouga!

-J'ai rien, je suis fauché, les parents me donnent plus rien depuis qu'on m'a viré.

-Même pas un malabar chez le Turc?

-Grave pas!

-Tain ! Mais t'es un pauvre des beaux quartiers, en fait.

-Un vrai clodo, Marco, j'avoue. Je t'attends encore une heure et je me barre.

Gaétan reprend l'escalator et tombe sur le magasin Yves Rocher où trônent des corbeaux en latex, des citrouilles lumineuses et des figurines de Joker, Freddy et Beettle Juice. Il redescend vers le point de rendez-vous fixant ses yeux sur la vitrine du Gap Kids couverte de fraises Tagada, Dragibus, Schtroumpfs, Croco, Chamallows, Polka et Happy Life.

-Putain , tu déconnes, vieux!

-Le père est rentré du marché, je peux pas bouger.

-Il bosse ton père?

-Encore heureux!

-Lâcheur, j'ai encore une demi-heure à marcher, moi. J'ai trop la dalle.

-J'te ramènerai des friandises demain pour me faire pardonner.

-Ouais, garde la pêche, je vais te ...attends, j'te laisse j'ai peut-être...Bon, salut, gros.

Le regard du garçon de onze ans venait de croiser le sac de Myriam venue avec sa mère. Madame Maestracci était occupée à acheter la décoration pour la fête de la maison des associations d'Illkirch. Gaétan Dethiènes sort l'arme de sa poche.

-Passe, je te dis!

-Man, y'a le petit du collège qui m'embête.

-T'as dit quoi? Petit? Passes les Malabars, je te répète.

-Man, le minus continue de m'embêter. Il a un pistolet.

EPILOGUE

Le jeune racketteur fut entendu librement par le service enquêteur du commissariat du Neudorf. Le plastique du pistolet lui permis de garder un casier vierge. Pour autant, il fut refusé de tous les collèges du Bas-Rhin. Désespérés, les époux Dethiènes parvinrent à inscrire Gouga dans un collège privé du Haut-Rhin.