Fleurt avec la mortA Story by HayetPrologue Au journal, ils disent que le mari de la chanteuse vit ses derniers jours. Il souhaite mourir dans les bras de sa femme. Ils se connaissent depuis trente cinq ans. Ils ont trois enfants ensemble. Je me souviens de l’été de mes treize ans. Le sang perlait et me faisait entrer dans le monde des femmes. La poitrine enflait et allait encore rester longtemps couverte. Mon corps n’était pas encore vivant. Une tête, un cerveau pour survivre et des jambes pour marcher : le reste du corps ne vivait pas encore. Sous le figuier, les jambes en tailleur, je tenais un bébé d’un an au creux de mes genoux. Elle ne savait rien. Elle était trop petite pour deviner que tout se jouait cet été-là. Cet été, sous le figuier, le père de mon père allait bientôt mourir. Aujourd’hui, c’est mon père qui va bientôt le rejoindre. Alors, je suis triste pour le mari de la chanteuse. Aussi, je ne cesse de penser à ce moment où l’on m’annoncera la nouvelle concernant mon père. Où serai-je ? Quelle heure sera-t-il ? Quel temps fera t-il ? L’aurais-je revu juste avant ? Tomberai-je au sol ou craquerai-je en public ? Cette scène se répétera longtemps dans ma tête jusqu’au jour où elle deviendra réelle et tragique. Un jour mon grand-père nous quitta. Mon père pleura. Une fois. Longtemps. Très fort. Sous le figuier, le temps s’arrête. Son amour se meurt. Lentement. En silence. A l'abri. Je voudrais appeler mon père pour lui dire que je suis triste pour ma chanteuse. Je prends le combiné et soudain me demande :mais quel âge a mon père ? Ne devrais-je pas être plus triste pour mon père? Je ne sais plus pour qui pleurer. Je n’ai plus envie d’avoir treize ans. Je suis contente que le bébé sur mes genoux ait grandi. Le corps est en marche, il désire, il suinte, il brille, il danse. Il veut. Chaque génération a son boulot à faire et son plaisir à prendre. Cependant, je rêve toujours de faire la sieste sous un figuier. Je le planterai moi-même. Dans le jardin de ma toute petite maison, près de l’arbre, je planterai deux piquets au bout desquels j’attacherai un fils de fer. J’y étendrai mon linge. Il séchera vite car même à l’ombre du figuier, il fera tout de même très chaud. Je laisserai le bon temps rouler.
EPILOGUE Aujourd’hui, l’amour de la chanteuse est mort. Elle lui survivra. Elle vivra longtemps sans lui avant qu’un jour ses fils ne se demandent « mais quelle âge a notre mère ? ». Croisons les doigts pour que ce jour, près d’eux se trouve leur amour.
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Added on October 2, 2015 Last Updated on April 13, 2016 AuthorHayetFranceAbout"Fleurt avec le réel" is a collection of 36 texts written in french. Fragments are independant from each other. Can be read in any order. "Fleurt avec le réel" est un recueil de 36 te.. more..Writing
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